mercredi 27 mars 2013

Dossier Espace militaire - Le Commandement Interarmées de l'Espace (CIE)


Le Commandement Interarmées de l’Espace (CIE)


Les moyens spatiaux dans notre dispositif de défense sont très importants.

En plus de cinquante ans, le rôle que tenait l’espace auprès de l’armée est devenu indispensable.
 Nous sommes passés de l’arme nucléaire qui intégrait les capacités spatiales (missiles balistiques développés par les USA, URSS et la France), de la force de frappe et la dissuasion, à la planification et la conduite des opérations.

L’espace est donc devenu, non seulement essentiel pour l’homme et ses activités en général, mais aussi essentiel pour l’armée.

L’utilisation de l’espace permet d’augmenter les capacités militaires sur un théâtre d’opérations.

L’utilisation maîtrisée de l’Espace est devenu un des socles de la souveraineté nationale.

Renseignements, communications… c’est l’acquisition d’une supériorité opérationnelle. Voilà pourquoi, les moyens spatiaux sont aujourd’hui des moyens indispensables à la défense.

La conduite des opérations, ces dernières années, a été largement réussie grâce au spatial (cartographie, renseignement, ciblage, communication …) pour un commandement en temps quasi-réel.
 
L’espace est un vecteur de puissance, mais comme nous en sommes aussi très dépendant dans certains domaines (et l’armée n’y échappe pas), c’est aussi un vecteur de vulnérabilité.

La protection, la gestion de l’espace, sont pour les militaires indispensables. Cela permet la préservation d’une maîtrise de capacité stratégique et opérationnelle.

C’est à ce titre qu’a été créé le 1er juillet 2010, le Commandement Interarmées de l’Espace (CIE).

‘’Donnant la capacité de voir, écouter, communiquer, alerter, localiser et synchroniser, à l'échelle mondiale et avec une disponibilité permanente, les satellites ont un rôle majeur dans la maîtrise de l’information dans les phases d’appréciation de situation, de préparation et d’action.

L'espace permet d'agir vite, de façon globale et sans dépendre de tiers. Les moyens spatiaux offrent l'avantage d'être non intrusifs, non coercitifs, ni oppressifs : ils ont cette spécificité d'opérer dans un milieu libre de circulation où les contraintes de souveraineté ne s'exercent pas. Ces moyens permettent, en toute autonomie, l'accès à tout lieu du globe en un temps limité avec une certaine discrétion et une grande répétitivité’’.

‘’ Le Commandement Interarmées de l’Espace a pour rôle de répondre à la dimension stratégique croissante du milieu extra-atmosphérique’’
(Livre blanc sur la Défense et la sécurité publique, 2008).

Le commandement du CIE est exercé par tutelle, pour le chef d’Etat-Major des Armées (EMA), par le sous-chef opérations de ce même EMA, actuellement le Général de brigade aérienne Yves Arnaud.
‘’Point d'entrée des armées pour toutes les questions spatiales militaires, le CIE veillera à assurer la disponibilité des capacités spatiales au profit de nos forces armées engagées en opérations et au bénéfice de nos hautes autorités afin qu’elles puissent prendre en toute autonomie les décisions qui leur incombent’’.
(Général Yves Arnaud)

(Crédit : Ministère de la Défense)
L’action du CIE porte sur l’ensemble des capacités spatiales nationales de la défense, quelles soient civiles, militaires ou commerciales.

Pour exercer son mandat, le CIE repose sur 4 grandes fonctions opérationnelles : Naviguer, Observer, Surveiller et Communiquer.

Naviguer :

Fonction indispensable, car cela permet la radiocommunication par satellites pour la localisation, la navigation et le guidage de beaucoup de systèmes d’armes.

La maîtrise de cette fonction permet la synchronisation entre l’information, la communication et le commandement.

La couverture est mondiale grâce à :

-         GPS (Global Positioning System) de l’US Air Force en service depuis 1994
-         Glonass développé par la Russie, en service et avec une forte montée en puissance actuellement grâce au téléphone portable
-         Galileo développé par l’Europe et qui devrait être pleinement opérationnel d’ici 2020. Galileo permettra également une complémentarité avec le GPS (notamment dans le PNT : Position, Navigation, Temps) et offrira un plus grand partenariat avec les USA.
-         BeiDou / Compass développé par la Chine et qui sera pleinement opérationnel aussi vers 2020 (il existe un accord de coopération avec Galileo).


Observer :

C’est la Direction du Renseignement Militaire (DRM) qui est en charge du contrôle opérationnel des satellites d’observation.

Grâce à une coopération européenne, le Ministère de la Défense peut disposer de plusieurs satellites d’observation, tant français, allemands ou italiens (et réciproquement pour ces pays), que ce soit des satellites d’observation optique ou radar. Ces satellites profitent également à la Belgique, l’Espagne et la Grèce.

Ce système d’observation est composé de SSO (Segment Sol Observation) qui comprend les satellites et tout ce qui permet de travailler avec, comme les centres de réception au sol (Segment Sol), les équipes, les logiciels, la gestion et le traitement des images.

Pour ce programme SSO, les satellites suivants sont utilisés :

-          2 satellites Helios II-A et II-B et 2 satellites Pléiades : France / Satellites optiques
-          5 satellites SAR-Lupe : Allemagne / Satellites radar
-          4 satellites COSMO-Skymed : Italie / Satellites radar

Cet ensemble de satellites et ce programme permet pour le Ministère de la Défense d’avoir une capacité d’observation totale de la Terre, de jour comme de nuit.

Satellite Helios II-A et II-B :
Le programme Helios a débuté en 1995 et Helios II-A et II-B succèdent aux Helios I-A (1995) et I-B (1999).

Helios II-A a été lancé le 18 décembre 2004 par une Ariane et II-B le 18 décembre 2009, toujours par une Ariane (en orbite héliosynchrone basse à 675 km).

(Crédit : CNES / Mira Productions)


Les satellites Pléiades :
Les deux satellites, Pléiades-1A et Pléiades-1B, ont été lancés de Kourou respectivement le 17 décembre 2011 et le 2 décembre 2012 par un lanceur Soyouz. Les deux satellites ont été construit par Astrium et les instruments ont été fournis par Thales Alenia Space.

Ils sont en orbite héliosynchrone à 694 km.

(Crédit : Thales Alenia Space)

 
Satellite SAR-Lupe :
Les cinq satellites allemands SAR-Lupe sont identiques. Ils ont été tous lancés depuis le cosmodrome de Pletsek en Russie entre décembre 2006 et juillet 2008 par un lanceur Cosmos-3M.

Ces satellites pèsent plus de 750 kg chacun et ont été construit par OHB-System AG.

Ils ont été placés sur 3 orbites héliosynchrones à 500 km.

Leur technologie radar (RSO = Radar Système d’Ouverture ou SAR en anglais) permettent d’acquérir des images quelque soit les conditions météorologiques (et aussi très efficace pour capter les ondes au-dessus de l’eau).

(Crédit : Ministère de la Défense)
 
Satellite COSMO-Skynet :
Les quatre satellites italiens COSMO-Skynet (Constellation de petits satellites pour la surveillance du bassin méditerranéen) utilisent comme les SAR-Lupe allemands une imagerie par radar RSO (voir plus haut).

Les quatre satellites ont été lancés depuis la base américaine Vandenberg en 2007 (2 lancements), 2008 et 2010, par une Delta II.

Ils sont en orbite héliosynchrone à 619 km d’altitude.

(Crédit : Ministère de la Défense)
 

En 2014, sera mis en place GEODE 4D (GEographie, hydrographie, Océanographie et météorologie de DEfense en 4 Dimensions). Cela permettra de mieux connaitre et comprendre l’environnement géophysique des théâtres d’opérations. Les satellites utilisés serons Musis, Pléiades et Spot 6 et 7.

 
Surveiller :

Surveiller l’espace est une nécessité. Maintenant, nous sommes dépendants des satellites et outils spatiaux.

Les satellites peuvent être victimes de plusieurs ‘’menaces’’ :

-          Environnement extrême que représente l’espace
-          Risque de collisions des débris incontrôlables
-          Tirs antisatellite (Asat), que sont capables de réaliser les USA et la Chine

Il faut donc contrôler et surveiller cet environnement spatial, et se protéger.

Si la France a limité l’armement antisatellite (entre autre par crainte  de polluer encore plus l’espace avec des débris), elle a développé d’autres moyens de se protéger :

-          Cyber-attaque, et la guerre électronique

L’Armée de l’Air et le CNES se partagent les tâches de manœuvres, de programmation et de surveillance afin de permettre à la France de préserver ses moyens spatiaux (la collision avec un débris est le risque majeur).

 
Communiquer :

C’est le Centre national de mise en œuvre des moyens satellitaires, basé à Maisons-Laffitte (78), qui s’occupe de la gestion opérationnelle des systèmes de communications.

Il veille 24 h / 24 h et 7 jours / 7 à ce qu’il y ait toujours un moyen de communication entre le Ministère de la Défense à Paris et les forces engagées à l’extérieur.

C’est grâce au système Syracuse 3 (ou III) que cela est possible (SYstème de RAdiocommunications Utilisant Un SatellitE). Syracuse s’appuie sur une flotte de deux satellites Syracuse 3A et 3B. Dans le cours de l’année, le satellite Sicral devrait s’ajouter à ceux-ci.

Syracuse est insensible au brouillage et à une très forte capacité de transmission rapide. Syracuse est le ‘’système-cœur’’ des télécommunications militaires.

Les satellites de Syracuse fonctionnent en moyen débit, et Sicral (Syracuse 3c fabriqué par l’Italie) permettra le haut débit pour des infos moins sécurisées mais tout aussi utile. Le satellite Athena, construit aussi par l’Italie, aidera aussi dans la transmission en haut débit. Sicral et Athena doivent être lancés cette année.

C’est la troisième génération de ce système débuté en 1980.


Syracuse 3A a été lancé le 13 octobre 2005 depuis Kourou par une fusée Ariane 5 GS (Vol n° 168). C’est Thales Alenia Space qui a construit le satellite à Cannes Mandelieu.

Le satellite mesure environ deux mètres sur trois avec une envergure de 30 mètres panneaux solaires déployés.

Il est en orbite géostationnaire à 47° de longitude est.

(Syracuse 3A - Vue d'artiste / Crédit : Thales)
 
Syracuse 3B est la copie conforme de 3A. Il a été lancé le 11 août 2006 par une Ariane 5 ECA (vol n° 172).

Il est utilisé également pour le secteur militaire maritime avec Telcomarsat en complément (qui utilise des satellites commerciaux).
 
 
Le Futur

La guerre aujourd’hui se fait sur quatre champs d’affrontements : aéroterrestre, aéromaritime, cybernétique et spatial.

Dans un contexte d’économie en crise, la coopération entre pays souhaitant obtenir des capacités spatiales est devenue aussi indispensable. Avec chacun leur spécificité en besoin spatial, cette coopération permet une complémentarité des programmes entre pays alliés.

Cette coopération internationale a permis au niveau européen de créer, en 1993, le Centre Satellitaire de l’Union Européenne (CSUE). Basé en Espagne près de Madrid, sur la base aérienne Torrejon de Arsoz.

(Dessin d'artiste du CSUE / Crédit : Ministère de la Défense)
Ses missions principales sont de soutenir les décisions de l’Union Européenne pour la Politique Européenne de Sécurité Commune (PESC) et de contribuer au soutien des opérations civiles et militaires de l’Union Européenne en temps quasi réel par son nouveau Service Européen d’Action Extérieure (SEAE).

L’autonomie d’action stratégique et politique de l’Union Européenne doit beaucoup au CSUE et son SEAE.

Prévention, aide à la décision, planification et conduites des opérations militaires et civiles se font donc grâce au Centre Satellitaire de l’Union Européenne, qui pour ce faire, achète auprès d’opérateurs privés (Astrium, GeoEye, Digital Globe, etc…) des images mais aussi se fait transmettre les images des systèmes militaires nationaux. En effet, l’Union Européenne ne possède pas de satellites propres d’imagerie.

 
En 2016, le programme international MUSIS (MUltinational Space-based Imaging System for surveillance, reconnaissance and Observation) remplacera peu à peu les satellites Helios, SAR-Lup et COSMO-Skymed, par des satellites CSO (Composante Spatiale Optique) qui seront développés par la Direction Générale de l’Armement et par le CNES.

CSO étant la partie française et aura pour fonction une optique très précise. L’Espagne fournira Ingenio qui répondra à une optique grand champ, l’Allemagne fournira Sarah et l’Italie une deuxième génération de COSMO-Skymed, tous deux des satellites radar.

La CIE continue de développer le projet Ceres (Capacité Roem Spatial)** qui a pour objectif de détecter et localiser depuis l’espace les signaux électromagnétiques envoyés par les systèmes adverses dans toutes les zones du monde.

Il devrait être opérationnel vers 2020.

(Ceres / Crédit ; CNES - DGA)
L’intérêt de Ceres est une capacité de surveillance étendue. Seule la détection des signaux sera prise en compte sans écoute des télécommunications.

Pour préparer Ceres, quatre microsatellites Elisa ont été lancés le 16 décembre 2011 depuis Kourou par une fusée Soyouz. Ils sont dans la continuité des démonstrateurs de renseignements électromagnétiques, comme Cerise (1995), Clémentine (1999) ou Essaim (2004). Le rôle principal ces microsatellites est l’interception des émissions des radars.

C’est la DGA qui a la charge de ces microsatellites, mais c’est le CNES qui est responsable des satellites et des moyens de commande.
 

(Plateforme Elisa / Crédit : Astrium)
 
** ROEM (Renseignement Origine ElectroMagnétique).

 
Sources :

·         Ministère de la Défense / Commandement Interarmées de la Défense
·         CNES
·         L’Espace au service des opérations par Les Cahiers de la Revue Défense Nationale (2ème trimestre 2011)
·         Stratégie spatiale Penser la guerre des étoiles : une vision française par le Colonel Jean-Luc Lefebvre (collection Stratégie et Défense aux éditions L’esprit du Livre juin 2011)
·         Revue Armées d’Aujourd’hui
· Astrium
· Thales Alenia Space

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